Vive la politique sans Ben Ali *
D’après l’instance supérieure indépendante pour les élections, 11333 candidats sont inscrits sur un total de 1570 listes. Hallucinant. Inquiétant pour certains, surtout que beaucoup ne savent pas encore pour qui voter.
Mais positivons : il est exaltant de voir des citoyens n’ayant vécu que sous des dictatures s’exercer au jeu de la démocratie.
Dans les urnes, des blogueurs, des sportifs et des stars du petit écran concurrencent les vieux militants politiques. Convoiter un poste de ministre n’est plus aujourd’hui le joli rêve doré des opportunistes, mais plutôt une fonction à risque. En revanche, être militant, ou se faire arrêter, est source de fierté. Les jeunes passent leurs journées à décrypter les discours politiques, à discuter, critiquer violemment... et gare à celui qui essaye de berner les citoyens.
Certes, on vit une période terrible où la liberté d’expression arrachée donne lieu à un cercle infernal de dif- famations et de manipulations... Une chance pour les médias qui se veulent de qualité ou revendiquent davantagede crédibilité et sérieux...
C’est une révolution exceptionnelle, pendant laquelle on continue à sortir, à faire la fête, à s’épouser, même en plein couvre-feu... Entre les sit-in et les manifestations, la vie a repris son cours normal. Il y a encore du «Benalisme » chez beaucoup de Tunisiens, mais l’histoire retiendra que nombre d’entre eux ont mis leur carrière entre parenthèses pour réussir cette transition. Des poin-tures ont quitté leur poste aux Etats- Unis ou en Europe pour faire partie de cette mouvance. 155 représentants de la société civile assistent régulièrement aux réunions de la Haute ins-tance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique. Ils se font critiquer violement, leurs propos sont souvent déformés, mais il persistent, restent présents, et tout cela gratuitement.
Les votants vont peut-être se tromper, élire le mauvais candidat... Leurs suffrages feront peut-être que nous aurons une année encore plus difficile à affronter, confirmeront que l’islamisme a sa place sur l’échiquier politique ? On se dira au moins qu’on a essayé et qu’on a participé à la première révolution du monde arabe.
*Edito publié dans le dernier numéro d'Afrique Magazine... Je vous conseille vivement de lire l'interview d'Yadh Ben Achour