Khamsoun,«corps otages»; de Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi
Elle fait partie des meilleures pièces que j’ai jamais vues, ex æquo avec Jounoun !
A certains moments j’avais la chaire de poule… et je me demandais comment est ce que ça a été finalement autorisé…
Khamssoun veut dire 50, et c’est par rapport au cinquantenaire de l’indépendance et l’état des choses actuel dans le monde arabe et surtout en Tunisie. On y traite, de manière subtile de politique ; mais on y traite surtout de l’intégrisme religieux et de la pratique policière lors des interrogatoires, au nom de la lutte contre le terrorisme.
« De retour de France, où elle a rencontré Allah et où elle est passée d’un marxisme pur à un islamisme dur, la fille d’un couple de militants de gauche se trouve impliquée dans le suicide mystérieux d’une jeune amie enseignante qui a décidé, un vendredi 11 novembre 2005, de se faire exploser dans la cour de son lycée.
L’acte, qui plonge le pays dans le désarroi et met en branle le redoutable dispositif anti-terrorisme, place face à face un régime politique autoritaire, une société civile et des démocrates plus laminés que jamais, des islamistes clandestins aux funestes desseins et des citoyens dociles ou indifférents. »
Magnifique, rien a dire sur les acteurs. Une pièce forte, poignante, vraiment à voir…et sous-titrée en français !!!
Le texte est de Jalila Baccar et, mise en scène de Fadhel Jaïbi et scénario et dramaturgie de Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi. Quel duo de CHOC !
La première mondiale de « khamssoun » a été donnée à l’ODEON, théâtre de l’Europe, le 7 juin 2006.
« Nos amis sont en train de partir, les uns après les autres, dans l’indifférence quasi générale.
C’est d’abord cela qui nous a motivé. En 2006, la Tunisie fêtait cinquante ans de son indépendance dans la lisse commémorative et l’amnésie collective.
Comment commémorer autrement ces cinquante ans d’histoire ? Paroles, souvenirs d’artistes écorchés, aguerris mais guère assagis…
Comment raconter des corps otages de leurs idées ?
Celles des belles utopies égorgées dans le sang, étouffées dans l’oubli ?
Ou les nouvelles, instrumentalisées par l’odieuse idéologie du ressentiment et du retour au passé ?
Dans l’indifférence cynique et intéressée de nos occupants d’hier, et alliés d’aujourd’hui ?...
Peut-on oublier et pardonner ? Accepter l’amnésie collective ? Entretenir le mensonge ? Entériner le mépris ?
Quoi dire à ma fille ?
Ÿ« On nous a volé nos plus elles années », dit la femme à son mari mourant, «Quels crimes avons-nous commis être châtiés ainsi ?
Pourquoi payer si cher un si beau rêve ? »
Ÿ« Si c’était à refaire, je le referais », répond le vieux tortionnaire, ressurgi du passé.
Ÿ« Des pans entiers de notre vie remontent à la surface devant cet homme », dit la mère à sa fille convertie. « Il est vital pour moi de me rappeler. Sans quoi je ne pourrais plus tenir…supporter la maladie de ton père, ta nouvelle vie… J’ai besoin de décortiquer le passé, remettre en place les places pièces du puzzle éclaté… et demander des comptes. » Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi.